17 de março de 2017

LACAN QUOTIDIEN. À gauche, le narcissisme de la cause perdue / En la izquierda, el narcisismo de la causa perdida, par/por Jacques-Alain Miller



NOTRE MARINOPHOBIE

À gauche, le narcissisme 
de la cause perdue
par Jacques-Alain Miller
 

Je vois le FN assez proche d'une victoire électorale pour qu'il soit justifié à mes yeux de penser à la formation d’un « front uni ». Suis-je alarmiste ? Le fait est que les candidats, résignés à la présence de MLP au second tour, disputent entre eux à qui gagnera le droit de concourir avec elle. Mais qui saura mettre au pilori, sur la place publique, la vraie nature de Marine et sa meute ?

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À peine avais-je collé hier soir sur mon blog de Mediapart le récent « Appel des psychanalystes contre Marine Le Pen », que m’était signalé le texte d’une personne que je n’ai pas l’avantage de connaître, Mme Diane Scott, autre membre du Club. Placé sur son blog à elle, son texte commente, ou plutôt prend à partie, à la fois l’Appel des 32 psychanalystes et ma tribune parue dimanche dernier dans la Matinale du journal Le Monde, sous le titre « Les ruses du Diable ». Mme Scott écrit : « La lutte contre le FN est l’alibi moral du maintien de choix électoraux qui seraient identiques sans cette soi-disant contrainte créée par l’extrême-droite. » J'admets volontiers que cette proposition est souvent exacte. Néanmoins, faut-il pour autant récuser l’ébauche de tout front uni, certes circonstanciel et destiné à rester éphémère, contre une menace mortelle et immédiate ? Ne vaudrait-il pas mieux, à un mois des élections, suspendre les ressentiments et les revendications qui opposent entre eux, disons, les antifascistes, ou les non fascistes, d’aujourd’hui ? Dois-je rappeler qu’il y avait aux débuts de la France libre des maurrassiens comme des gens de gauche (et peut-être davantage des premiers que des seconds, n'est-ce pas ?) Plus tard, en 1943, Aragon pouvait lancer son fameux « Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyait pas ».

L’auteure me renvoie sur un ton comminatoire à mon « sommeil de classe » Doit-on en conclure qu'elle prône une réédition en 2017 de la stratégie classe contre classe, qui fut celle de l'Internationale communiste dans les années 1920, et qui inspira à Aragon, toujours lui, un autre de ses vers célèbres, ne sentant pas, lui, la rose ni le réséda : « Feu sur les ours savants de la social-démocratie » ?

Il me suffira de rappeler que l’accentuation de la menace fasciste amena le PCF à une position toute différente en 1934. Fondé la même année, le Comité de Vigilance antifasciste des Intellectuels invitait les « Travailleurs unis » à passer outre aux divergences : « nous venons déclarer à tous les travailleurs, nos camarades, notre résolution de lutter avec eux pour sauver contre une dictature fasciste ce que le peuple a conquis de droits et de libertés publiques. » L'issue du revirement communiste fut en 1936 le Front Populaire. [NB : ma citation du Comité de Vigilance est empruntée au site lesmaterialistes.com]

« Une fausse peur »

J'entends bien que Diane Scott se moque et de moi et des gens comme moi, qui voudrions mobiliser aux prochaines échéances électorales contre le FN. À ses yeux, nous sommes de toute évidence alarmistes et pétochards. Elle n’est pas seule à le penser. On est bien forcé de s’interroger sur soi-même quand on lit les propos de notre cher Claude Lanzmann, trésor national, dans Paris-Match, le 5 mars dernier : « C’est une fausse peur que se font les Français. Cela ne peut pas se produire dans un pays institutionnalisé comme le nôtre. »

Sur ce point, I beg to differ . Je me risque à contredire « un voyant dans le siècle ». Que les sondages en soient maintenant à créditer Marine Le Pen de 40 % au second tour me paraît une donnée en elle-même alarmante. En face d'elle, un Fillon perdra une bonne partie de la gauche, qui se réfugiera dans l'abstention, et Macron (ou Mélenchon, ou Hamon, pour ceux qui le croient possible) verra une bonne partie de la droite passer au FN, tandis que bien des gens de gauche refuseront leur vote à l’héritier de Hollande. Je ne vois pas pour l’instant de barrage à Le Pen, ou il est poreux. Alors, oui, il se pourrait que le ventre ait cessé d’être fécond, qu’il ait été stérilisé par le « pays institutionnalisé » (qu’est-ce que ça veut dire, ça, exactement ?) Mais si l’on n’était pas loin de la perte des eaux ? La France ne s’ennuie pas, elle me semble grosse d’un malheur.

Bref, j’envie la sérénité de Lanzmann quand je pense à ce que serait l'appareil d'État aux mains du FN. Je ne parle pas de son programme, ni de ses promesses, ni des faux-semblants qu'il a multipliés, ni des jeux entre Marion et Florian, frais prénoms de pastorale. Je parle d’une sale clique irrévocablement xénophobe, antirépublicaine et antidémocratique, prête à mettre la main sur les commandes des ministères de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense.

Plutôt vaincue

Peut-être ai-je trop d'imagination. Ou pas assez, mais trop de mauvaises lectures sur les conséquences de la venue au pouvoir, par la voie des urnes, de partis autoritaires. Est-ce le fait d’être juif ? Lanzmann, lui, est tranquille comme Baptiste. Il se peut que, tout simplement, je me trompe d’époque. « C’est fini, tout ça, mon vieux, et non seulement le pire n’est pas toujours sûr, mais il est tout bonnement devenu impossible, comme l’a montré le récent triomphe d’Hillary — Bon, d’accord, dis-je, si vous êtes bien sûr que la bête est désormais domestiquée, est devenue un animal d’appartement comme le léopard dans “Bringing up Baby“, alors que chacun roupille de son “sommeil de classe“. »

Diane Scott, qui se présente comme « psychanalyste en formation », ce qui veut sans doute dire qu’elle est en analyse, termine sa diatribe sur une profession de foi : « Pour ma part, je préfère être vaincue que dupe. »

Autrement dit : Je serai fidèle à mes convictions fût-ce au prix de la défaite. La posture est noble.

Noble au point que ce qui ici s’avoue en clair n’est pas autre chose que ce que Lacan nommait, à propos de nul autre que le vicomte de Chateaubriand, le « narcissisme suprême de la Cause perdue ».

Paris, le 16 mars 2017


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En la izquierda, 
el narcisismo de la causa perdida
Jacques-Alain Miller

Veo al FN lo suficientemente cerca de una victoria electoral como para que esté justificado, en mi opinión, pensar en la formación de un “frente unido”. ¿Soy alarmista? El hecho es que los candidatos, resignados frente a la presencia de MLP en segunda vuelta, disputan entre ellos quién ganará el derecho a competir con ella. ¿Pero quién sabrá exponer al escarnio público la verdadera naturaleza de Marine y su jauría?

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Apenas había subido ayer la reciente “Convocatoria de los psicoanalistas contra Marine Le Pen” a mi blog de Mediapart, cuando se me mencionó el texto de una persona que hasta entonces no conocía, Diane Scott, otra miembro del Club. Emplazado en su propio blog, su texto comenta, o más bien ataca, la Convocatoria de 32 psicoanalistas así como mi artículo de opinión publicado el último domingo en el matutino del diario Le Monde, bajo el título “Las astucias del Diablo”.  

Scott escribe: “La lucha contra el FN es la coartada moral del sostenimiento de elecciones electorales que serían idénticas sin esta supuesta coacción creada por la extrema derecha”. Admito de buen grado que esta proposición es a menudo correcta. No obstante, ¿hay que por eso recusar de todo frente unido, ciertamente circunstancial y destinado a ser efímero, contra una amenaza mortal e inmediata? ¿No sería mejor, a un mes de las elecciones, suspender los resentimientos y reivindicaciones que oponen entre ellos, digamos, los antifascistas, o los no fascistas, de hoy? Debo recordar que en los comienzos de la Francia libre había tantos maurrasianos como gente de izquierda (y tal vez más los primeros que los segundos, ¿no es cierto?). Más tarde, en 1943, Aragón podía lanzar su famoso “El que creía en el cielo / El que no creía en eso”.

La autora, en un tono conminatorio, me manda de vuelta a mi “descanso de clase”. ¿Debemos concluir que preconiza una reedición en 2017 de la estrategia clase contra clase, que fue la de la Internacional comunista en los años ’20, y que inspiró a Aragón, siempre él, otro de sus célebres versos, no oliendo él ni la rosa ni el reseda(1): “Fuego contra los osos sabios de la socialdemocracia”?

Me bastará con recordar que la acentuación de la amenaza fascista llevó al PCF a una posición completamente diferente en 1934. Fundado ese mismo año, el Comité de Vigilancia Antifascista de los Intelectuales invitaba a los “Trabajadores Unidos” a hacer caso omiso a las divergencias: “Venimos a declararles a todos los trabajadores, nuestros compañeros, nuestra resolución de luchar con ellos para salvar de una dictadura fascista lo que el pueblo conquistó de derechos y libertades públicas”. La salida del viraje comunista fue el Frente Popular en 1936. [NB: mi cita del Comité de Vigilancia fue tomada del sitio lesmaterialistes.com]

“Un falso miedo”

Comprendo bien que Diane Scott se burle de mí y de la gente como yo, que quisiéramos movilizar los próximos comicios electorales contra el FN. En su opinión, somos claramente alarmistas y gallinas. No es la única que lo piensa. Nos vemos obligados a interrogarnos sobre nosotros mismos cuando leemos las declaracionoes de nuestro querido Claude Lanzmann, tesoro nacional, en Paris-Match, el último 5 de marzo: “Es un falso miedo el que tienen los franceses. Eso no puede producirse en un país institucionalizado como el nuestro.” 

Sobre este punto, I beg to differ. Me arriesgo a contradecir a “un vidente en el siglo”(2). Que las encuestas fuesen ahora a acreditar a Marine Le Pen un 40% en segunda vuelta, me parece un dato en sí mismo alarmante. Frente a ella, Fillon perderá buena parte de la izquierda, que se refugirará en la abstención, y Macron (o Mélenchon, o Hamon, para quienes lo creen posible) verá una buena parte de la derecha pasar al FN, mientras que mucha gente de izquierda negará su voto al heredero de Hollande. No veo por el momento barrera a Le Pen, o es porosa. Entonces, sí, podría ser que el vientre hubiese dejado de ser fecundo, que hubiese sido esterilizado por el “país institucionalizado” (¿qué quiere decir eso exactamente?). ¿Pero si no estuviéramos lejos de romper bolsas? Francia no se aburre, me parece preñada de una desgracia.

En resumidas cuentas, envidio la serenidad de Lanzmann cuando pienso en lo que sería el aparato del Estado en manos del FN. No hablo de su programa, ni de sus promesas, ni de los engaños que multiplicó, ni de los juegos entre Marion y Florian, frescos nombres pastoriles. Hablo de una sucia pandilla irrevocablemente xenófoba, antirepublicana y antidemocrática, lista para meter la mano en los mandos de los ministerios de Justicia, del Interior y de la Defensa.

Mejor, derrotada

Tal vez yo tenga demasiada imaginación. O no tanta, pero demasiadas malas lecturas sobre las consecuencias de la llegada al poder, por vía de las urnas, de partidos autoritarios. ¿Es por ser judío? Lanzmann está absolutamente tranquilo. Es posible que simplemente me equivoque de época. “Todo eso se terminó, mi viejo, y no solo lo peor nunca es seguro, sino que se ha vuelto lisa y llanamente imposible, como lo mostró el reciente triunfo de Hillary – Bueno, de acuerdo, digo, si ud. está muy seguro de que la bestia está ahora domesticada, que se convirtió en un animal de apartamento como el leopardo en “Bringing up Baby”, mientras que cada quien se echa un sueño en su ‘descanso de clase’”.

Diane Scott, que se presenta como “psicoanalista en formación”, lo que sin duda quiere decir que está en análisis, acaba su diatriba con una profesión de fe: “En cuanto a mí, prefiero ser derrotada que crédula”.

Dicho de otro modo: Seré fiel a mis convicciones, aunque sea al precio de la derrota. La postura es noble.

Noble al punto en que, lo que aquí se deja en claro, no es otra cosa que lo que Lacan nombraba, a propósito de ningún otro que del vizconde de Chateaubriand, el “narcisismo supremo de la Causa perdida”.

París, 16 de marzo de 2017

* Texto original publicado en francés en Lacan Quotidien nº 634, el 16 de marzo de 2017, disponible en: http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2017/03/LQ-634.pdf

Traducción: Lorena Buchner

Notas:
1- Alusión al poema de Louis Aragon “La Rosa y el Reseda” (1943), que convocaba a la unidad en la Resistencia, más allá de los desacuerdos políticos y religiosos. [N. de la T.]

2- Alusión al título del reciente libro colectivo “Claude Lanzmann : un vident dans le siècle”, publicado en marzo de 2017 por la editorial Gallimard, bajo la dirección de Juliette Simont. [N. de la T.]

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